Nudsus et molas du Panama
Statuettes de guérison et textiles du peuple Guna
NUDSUS ET MOLAS DU PANAMA, statuettes de guérison et textiles du peuple Guna
Une exposition du musée Labenche
Collections Alain Becker et Matthieu Péronnet
Commissaires d'exposition : Vincent Rigau-Jourjon, directeur du musée, et Matthieu Péronnet
10.07.2020 > 23.11.2020
Ressources
Livret de l'exposition
Statuettes de guérison et textiles du peuple Guna
Le nudsu, médiateur entre l'homme et le monde-autre
Publication
La 1ère édition de mon ouvrage
Nudsu(s), l'ombre et la forme
Co-édition Musée & Jardins Cécile Sabourdy, 2019
144 pages, 73 planches
ISBN 978-2-955798-79-9
est en cours de réédition.
En attendant, vous pouvez en lire des extraits en cliquant ci-dessous :
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Dans la pensée thérapeutique guna, le processus de guérison implique à la fois l'administration de plantes médicinales et de faire appel au monde des esprits.
Les aspects physiques et mentaux de la guérison sont traités avec la même importance. Entre les mains du spécialiste rituel, le nudsu fournit au malade un langage symbolique, qui permet de formuler de façon acceptable ce qui n'était jusque-là qu'arbitraire et soumission au désordre.
Les Guna utilisent des statuettes de bois, d'une taille variant de 10 à 40 cm, qu'ils nomment nudsus, pour entrer en contact avec le « monde-autre », le monde des esprits. Les nudsus sont conservés dans presque toutes les maisons des Guna, dont ils protègent les membres contre l'incursion des mauvais esprits. Parallèlement, ils sont les esprits auxiliaires des spécialistes rituels, voyants (nele) ou guérisseurs (inaduled ou igarwisid) qui respectivement diagnostiquent et guérissent les maladies. Certains sont utilisés pour réaliser des décoctions, infusions ou frottements par les inaduled, associant leur puissance médicinale à leur pouvoir spirituel.
Deux types de relations sont à l’œuvre : d'une part, les spécialistes rituels établissent des relations personnelles avec leur nudsu, ces relations devant être entretenues par des interactions constantes, au travers du rêve (neles) et de la parole chantée (spécialistes des chants et des plantes).
D'autre part, lorsqu'il quitte les mains du spécialiste rituel, le nudsu redevient une simple poupée de bois, dotée d'un esprit bienveillant pour autant qu'on lui apporte le respect et l'affection que l'on doit aux enfants. De même que la forme du nudsu sert de foyer aux esprits primordiaux invoqués par le spécialiste rituel, la maisonnée des Guna peut alors servir de foyer à l'objet-nudsu, où il sera traité comme un membre à part entière de la famille, qui réclame un lieu où dormir, de l'attention et de la nourriture.
Comme un enfant, le nudsu a besoin de compagnie au quotidien ; c'est pourquoi, les nudsus « vivent » ensemble dans les habitations des Guna, par groupe de 4 ou plus, parfois jusqu'à 20, conservés dans une boîte de bois (ou aujourd'hui une simple bassine en plastique) généralement disposée au pied de l'un des deux piliers centraux de la maison. Des braseros, dans lesquels brûlent des fèves de cacao, entretiennent leur vie végétative. Ils ne retrouvent leur fonction thérapeutique que lorsque la maladie survient et qu'ils sont confiés à un spécialiste.
Le rôle du sculpteur de nudsu est également essentiel. Il connaît les propriétés des différentes essences d'arbres, il est capable de choisir les bonnes branches ou racines, il maîtrise le processus de sculpture et connaît les formules rituelles pour dialoguer avec les esprits des arbres. L'importance d'une telle aptitude est que le nudsu « parle » et révèle la maladie des patients aux spécialistes rituels qui tentent de les guérir. Le nudsu sera d'autant plus puissant qu'il incarnera à la fois les qualités primordiales de l'arbre dont il est issu et les compétences humaines de l'homme qui l'a sculpté.
“ Ce qu'il y a dans le bois est aussi puissant que la silhouette
qu'il porte au-dehors. “ — J.M.G. Le Clézio, Haï, 1971
Alors pourquoi perdre du temps à sculpter des formes quand le pouvoir magique est investi dans l'esprit du bois lui-même ? Et inversement, pourquoi ne pas parer ces formes d'atours esthétiques, dès lors que le non-initié est ainsi plus enclin à traiter avec bienveillance le réceptacle de l'esprit végétal ? La pluralité des formes données aux nudsus trouve son sens dans l'absence même d'intérêt porté à la forme.
Ce qui importe, c'est que dans des espaces parallèles en transformation permanente, où les frontières entre l'ordre et le chaos se chevauchent dangereusement, l'homme et le nudsu unissent leurs potentiels spirituels afin de reconstruire l'équilibre humain quand celui-ci vacille. C'est le fondement de la dualité régénératrice enseignée par le babigala.
— Matthieu Péronnet
LE MUSÉE LABENCHE
Fondé en 1878 par la Société Scientifique, Historique et Archéologique de la Corrèze, le musée de Brive fait partie de la vague des établissements créés au 19e siècle par des sociétés savantes.
Pluridisciplinaire dès son origine en raison de la grande diversité des centres d’intérêt de ses fondateurs, le musée de Brive, rebaptisé « musée Ernest Rupin » en 1909, se développa jusqu’à devoir déménager dans les années 1980.
Devenu musée Labenche, suite à son installation dans l'hôtel Labenche - l'un des plus beaux exemples d'architecture civile Renaissance en Limousin, il a reçu l’appellation musée de France en 2002.
Médiations
Visites commentées
Culture et hôpital
Education artistique et culturelle
Visites commentées et échanges avec le public à l'occasion de l'ouverture de l'exposition en juillet 2020 et des Journées européennes du patrimoine les 18 et 19 septembre 2020
Dans le cadre de l'exposition "hors les murs", les enfants hospitalisés au service pédiatrie de l’hôpital de Brive ont pu bénéficier en juillet d’une visite-atelier Nudsus et Molas dans le cadre du musée et de l’associa-tion APICEMH (association pour l’initiation culturelle des enfants en milieu hospitalier). Au programme : projection de vidéos, de photo-graphies, observations de véritables nudsus sortis du musée pour l’occasion et création plastique pour « garder trace » de l’animation !
Atelier sculpture avec la classe préparatoire en arts plastiques du lycée d'Arsonval de Brive. Après une visite de l'exposition, les lycéens sont invités à créer une sculpture en rapport avec un thème protecteur de leur choix. L'objectif était également de questionner le champ de la sculpture "primitive" à partir d'un geste outillé et d'un matériau brut.
Le musée participatif
En septembre, un lapin-doudou égaré dans une rue voisine du musée attend patiemment au musée, sous la protection des nudsus. Objectif atteint, le doudou retrouvera son jeune propriétaire ! L'occasion de questionner le besoin de l'homme, à tout âge, de s'en remettre à des médiateurs bienveillants pour communiquer avec le monde invisible.